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Abercombie Zlatz, avocat

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Ce n’est pas gentil de tirer sur une ambulance. Et puis, s’en prendre à des avocats ou à des magistrats, c’est et ça reste un peu tabou, un peu off-limits. Pour des bonnes et des mauvaises raisons. Il y a des dingues ou des farfelus, hélas, dans les deux professions, dans toutes les professions, et ce tabou ignore également la dissimilitude que c’est tout de même plus grave quand un magistrat dérape – de par la parcelle de puissance publique qu’il possède dont celle de mettre en prison. Il y a bien sûr des mécanismes de contrôle par les recours et les appels. Ils prennent du temps, de l’argent et de la souffrance pour ceux qui doivent les employer, et ne sont pas toujours efficaces de par la réserve qu’affichent parfois les juridictions supérieures envers le magistrat inférieur, a fortiori lorsqu’il dispose d’un pouvoir d’appréciation – c’est-à-dire assez souvent. Ainsi circule-t-il sur le net et par email, bref comme on dit maintenant en buzz, le considérant 5 assassin pour Frédéric Hainard avocat d’un arrêt du TF 2C_356/2014 [2] : il met les frais du recours perdu à la charge du mandataire et donne l’inventaire à la Prévert des merveilles dudit recours. Le voici donc – pour une réflexion tout de même.

« S’agissant des frais judiciaires, il se justifie, à titre exceptionnel, de déroger à la règle générale et mettre ceux-ci non pas à la charge du recourant lui-même, mais à celle de son mandataire, en raison des manquements figurant dans le mémoire (cf. art. 66 al. 1 LTF; Bernard Corboz, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 19 ad art. 66 LTF). Ainsi, sur le plan procédural, l’avocat a déclaré former un recours de droit public, alors que cette voie de droit a été abrogée par l’entrée en vigueur de la LTF en 2007; il a pris des conclusions exclusivement cassatoires, alors que le Tribunal fédéral est une instance de réforme; il a formé subsidiairement un recours constitutionnel, bien que le texte même de l’art. 113 LTF exclue cette voie de droit contre les arrêts du Tribunal administratif fédéral et il s’en est pris aux décisions des autorités administratives, malgré l’effet dévolutif du recours devant le Tribunal administratif fédéral. Sur le plan matériel, l’avocat a fondé une partie de son argumentation sur le fait que son client était marié, alors que l’arrêt attaqué constate qu’il est divorcé, et n’a pas discuté la disposition centrale appliquée par le Tribunal administratif fédéral, à savoir l’art. 50 LEtr. Un tel mémoire, rédigé par un avocat inscrit au barreau, constitue un manque de respect envers l’institution qu’est le Tribunal fédéral », (consid. 5).

Heureusement ce n’est pas fréquent. Et Dieu sait si aucun avocat ou magistrat ayant une juridiction au-dessus de lui n’est à l’abri de faire une erreur et de se la faire mettre sous le nez. Mais ce qui frappe est évidemment que Frédéric Hainard avocat, sanctionné ici pour des manquements gratinés, ne semble pas être d’un différent tonneau que magistrat ou élu. Un élu ne rend des comptes qu’à son électorat et ce n’est ni la première ni la dernière fois que le suffrage direct amène au pouvoir un personnage aux conceptions du droit un peu particulières. La sanction est alors politique, ou pénale s’il y a des infractions commises. Il est différemment problématique lorsqu’un magistrat de l’ordre judiciaire commet une infraction pénale. Et plus encore lorsqu’il y a répétition – et l’addition révélant finalement un certain mépris pour le droit ou son absence de maîtrise (NDLR : les condamnations prononcées ne sont pas encore définitives). Heureusement le cas est rare – mais le justiciable peut évidemment frémir à l’idée de tomber entre les griffes d’un magistrat susceptible de l’arrêter, d’enquêter, de perquisitionner et saisir, affichant un tel profil. Et il est effrayant qu’un tel profil passe en amont le tamis de la désignation. Pour finir sur une note plus drôle, par ce lien [3] l’excellente conception qu’avait des avocats le regretté Goscinny en 1968 dans Le Pied-Tendre. Abercombie Zlatz qu’il s’appelait.